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Sartre explicando su obra “A puerta cerrada”. (Registro sonoro. Traducción española por Simón Royo).

 

JEAN PAUL SARTRE EXPLIQUE - HUIS CLOS: L'ENFER C'EST LES AUTRES.wmv

https://www.youtube.com/watch?v=k4O_OcTFfMc&fbclid=IwAR1xFj97RkL3s1Fj2ewMsdGscNNsULLv-UCVDv5CSMT_NWCv8xMlMBUh580

Cuando se escribe una obra hay siempre causas ocasionales y motivaciones profundas. La causa ocasional fue que, en el momento en que escribí A puerta cerrada, entre 1943 y principios de 1944, yo tenía tres amigos y quería que representasen una obra mía sin darle un protagonismo mayor a ninguno de ellos. Es decir, me propuse que estuviesen juntos todo el tiempo en escena. Porque me dije: si uno se marcha pensará que los otros van a tener un protagonismo mayor mientras no está. Procuré entonces mantenerlos juntos. Y me dije: ¿cómo se puede poner juntas a tres personas sin jamás hacer salir a una de ellas y mantenerlas en escena hasta el final, como si fuese la eternidad? Fue así que se me ocurrió la idea de ponerlas en el infierno y hacer de cada una de ellas el verdugo de las otras. Esa fue la causa ocasional. Además, debo añadir, esos tres amigos al final no representaron la pieza, como es bien sabido, fueron Michel Vitold, Tania Balachova y Gaby Sylvia quienes la representaron.

Pero había en ese momento motivaciones más generales y quise expresar otras cosas en la obra además de lo que la ocasión me deparaba. Yo quise decir entonces que “el infierno son los otros”, pero el infierno son los otros” ha sido siempre una frase mal comprendida. Se ha creído que yo quería decir con eso que nuestras relaciones con los otros estaban siempre emponzoñadas, que eran siempre relaciones infernales. Pero era muy otra cosa lo que yo quería decir. Lo que quería decir es que si las relaciones con el otro están viciadas y torcidas, entonces, no puede ser sino el infierno. ¿Por qué? Porque los otros son, en el fondo, lo que hay de mayor importancia para nosotros mismos, para nuestro propio conocimiento de nosotros mismos. Cuando pensamos en nosotros, cuando tratamos de conocernos, en el fondo usamos los conocimientos que los otros tienen sobre nosotros, nos juzgamos con los medios que los otros tienen y nos dan para juzgarnos. En todo lo que diga sobre mí entra siempre el juicio de otro. En todo lo que yo sienta sobre mí entra siempre el juicio de otro. Lo que quiere decir que si mis relaciones son malas me expongo a la total dependencia de otro, y entonces, en efecto, estoy en el infierno. Y existe gran cantidad de gente en el mundo que está en el infierno porque dependen demasiado del juicio de otro. Pero eso no quiere decir de ninguna manera que no podamos tener otro tipo de relaciones con los otros, sino que marca simplemente la importancia capital de todos los otros para cada uno de nosotros.

La segunda cosa que quise decir fue que esas personas no son semejantes a nosotros. Las tres personas de A puerta cerrada no se nos parecen porque nosotros estamos vivos mientras que ellas están muertas. Bien entendido, aquí, que “muertos” simboliza cierta cosa. Eso que yo quise indicar es que, precisamente, mucha gente está encerrada en una serie de hábitos, de costumbres, que mantienen sobre sí mismos juicios que les hacen sufrir pero que no buscan modificarlos. Esas gentes son semejantes a los muertos en el sentido en el que no pueden romper el marco de sus problemas, de sus preocupaciones y hábitos, de modo que restan a menudo como víctimas de los juicios que se han vertido sobre ellos.

A partir de ahí queda claro que son cobardes o malvados. Por ejemplo, si han comenzado por ser cobardes nada podrá cambiar el hecho de que hayan sido cobardes. Es por eso que están muertos, es una manera de decir que se es un “muerto viviente” cuando se está rodeado por la preocupación perpetua por los juicios y las acciones que no se pueden cambiar.

De suerte que en realidad, como estamos vivos, he querido mostrar, mediante el absurdo, la importancia entre nosotros de la libertad, es decir, la importancia de cambiar los actos por otros actos. Sea cual sea el círculo de infierno en el que vivamos, pienso que somos libres de romperlo. Y si la gente no lo rompe es entonces que libremente permanecen en él, de suerte que se meten libremente en el infierno.

Se puede ver entonces que “relación con los otros”, “encostramiento” y “libertad”, libertad como la otra cara apenas sugerida, son los tres temas de la obra. Eso es lo que yo quisiera que se recuerde cuando se oye decir “el infierno son los otros”.

He de añadir, para terminar, que me advino en 1944, tras la primera representación, una extraña alegría –muy rara para los dramaturgos- que consistió en que los personajes fuesen encarnados de tal manera, -al igual por Chauffard, el mayordomo del infierno-, que aunque fuese representada posteriormente, no puedo representar mis propias imaginaciones de otra manera que bajo las caracterizaciones de Vitold, Gaby Sylvia y Tania Balachova, junto a Chauffard. Posteriormente la obra ha sido representada por otros actores y tengo que decir en particular que vi a Chistine Lenier cuando ella la representó y que admiré la excelente Inés que fue.



 

JEAN PAUL SARTRE EXPLIQUE - HUIS CLOS: L'ENFER C'EST LES AUTRES.

Quand on écrit une pièce, il y a toujours des causes occasionnelles et des soucis profonds. La cause occasionnelle c'est que, au moment où j'ai écrit Huis clos, vers 1943 et début 44, j'avais trois amis, et je voulais qu'ils jouent une pièce — une pièce de moi — sans avantager aucun d'eux. C'est-à-dire, je voulais qu'ils restent ensemble tout le temps sur la scène. Parce que je me disais: s'il y en a un qui s'en va, il pensera que les autres ont un meilleur rôle au moment où il s'en va. Je voulais donc les garder ensemble. Et je me suis dit: comment peut-on mettre ensemble trois personnes sans jamais en faire sortir l'une d'elles, et les garder sur la scène jusqu'au bout, comme pour l'éternité. C'est là que m'est venue l'idée de les mettre en enfer et de les faire chacun le bourreau des deux autres. Telle est la cause occasionnelle. Par la suite, d'ailleurs, je dois dire, ces trois amis n'ont pas joué la pièce, et comme vous le savez, c'est [Michel] Vitold, Tania Balachova et Gaby Sylvia qui l'ont jouée.

Mais il y avait à ce moment-là des soucis plus généraux, et j'ai voulu exprimer autre chose dans la pièce que, simplement, ce que l'occasion me donnait. J'ai voulu dire «l'enfer c'est les autres». Mais «l'enfer c'est les autres» a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont — nous ont donnés — de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu'ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres; ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous.

Deuxième chose que je voudrais dire, c'est que ces gens ne sont pas semblables à nous. Les trois personnes que vous entendrez dans Huis clos ne nous ressemblent pas en ceci que nous sommes tous vivants, et qu'ils sont morts. Bien entendu, ici, «morts» symbolise quelque chose. Ce que j'ai voulu indiquer, c'est précisément que beaucoup de gens sont encroûtés dans une série d'habitudes, de coutumes, qu'ils ont sur eux des jugements dont ils souffrent, mais qu'ils ne cherchent même pas à changer. Et que ces gens-là sont comme morts, en ce sens qu'ils ne peuvent pas briser le cadre de leurs soucis, de leurs préoccupations et de leurs coutumes, et qu'ils restent ainsi victimes souvent des jugements qu'on a portés sur eux.

À partir de là, il est bien évident qu'ils sont lâches ou méchants. Par exemple, s'ils ont commencé à être lâches, rien ne vient changer le fait qu'ils étaient lâches. C'est pour cela qu'ils sont morts, c'est pour cela, c'est une manière de dire que c'est une «mort vivante» que d'être entouré par le souci perpétuel de jugements et d'actions que l'on ne veut pas changer.

De sorte que, en vérité, comme nous sommes vivants, j'ai voulu montrer, par l'absurde, l'importance, chez nous, de la liberté, c'est-à-dire l'importance de changer les actes par d'autres actes. Quel que soit le cercle d'enfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens ne le brisent pas, c'est encore librement qu'ils y restent. De sorte qu'ils se mettent librement en enfer.

Vous voyez donc que «rapport avec les autres», «encroûtement» et «liberté» liberté comme l'autre face à peine suggérée ce sont les trois thèmes de la pièce. Je voudrais qu'on se le rappelle quand vous entendrez dire: «L'enfer c'est les autres.»

Je tiens à ajouter, en terminant, qu'il m'est arrivé en 44, à la première représentation, un très rare bonheur — très rare pour les auteurs dramatiques — c'est que les personnages ont été incarnés de telle manière par les trois acteurs, et aussi par Chauffard, le valet d'enfer — qui l'a toujours jouée depuis — que je ne puis plus me représenter mes propres imaginations autrement que sous les traits de [Michel] Vitold, de Gaby Sylvia, de Tania Balachova et de Chauffard. Depuis, la pièce a été rejouée par d'autres acteurs, et je tiens en particulier à dire que j'ai vu Christiane Lenier, quand elle l'a jouée, et que j'ai admiré quelle excellente Inès elle a été.

Extrait de Jean-Paul Sartre, Huis clos - L'enfer c'est les autres, Frémeaux Colombini SAS © 2010;
(La Librairie Sonore en accord avec Moshé Naïm Emen © 1964 et Gallimard © 2004, ancien exploitant).



 

 

 

 

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